Un lieu commun solidement établi veut qu’amour et philosophie fassent mauvais ménage. Etrangement, aucun livre n’avait jusqu’ici réuni les différents regards des grands philosophes sur ce sujet majeur. Cet essai se propose de le faire en exposant leur pensée de façon vivante et accessible.Ouverture à l’éternité pour Platon, l’amour est un leurre mortel chez Lucrèce. Défi de toute une existence pour Kierkegaard, il est chez Schopenhauer une simple ruse de l’instinct sexuel. Quant à Rousseau, l’inventeur du romantisme, difficile de trouver système philosophique plus étroitement lié aux névroses de son auteur.Car ce livre dévoilera aussi certains aspects de leur vie amoureuse, parfois très méconnus.
Le donjuanisme forcené de Sartre, l’absence légendaire de toute libido chez Kant, les ratages de Nietzsche avec les jeunes filles, autant d’épisodes graves ou drôles dont chacun pourra tirer les leçons dans sa propre vie. Aude Lancelin, agrégée de philosophie, et Marie Lemonnier, philosophe de formation, sont toutes deux journalistes au Nouvel Observateur.Extrait du livre :Un lieu commun solidement établi veut qu’amour et philosophie fassent mauvais ménage. Chambre à part même, au moins depuis les temps modernes. Au désenchantement généralisé du monde, l’amour, sentiment enchanteur entre tous, aurait très mal résisté.
Le petit Cupidon, à l’aspect à la fois puéril et hostile, ses ailes dissimulant un arc meurtrier, aurait rejoint les autres dieux au cimetière des vieilles inepties. Au fond, la tradition pessimiste des moralistes français aurait remporté la bataille de l’amour. Sous le romantisme godiche, c’est le réel du sexe, du calcul et de la volonté de puissance qui se dissimulerait grossièrement. Le sentiment amoureux ne vaudrait donc guère deux heures de peine conceptuelle.
Abordant un sujet si central dans la vie humaine, ce n’est d’ailleurs pas une mince surprise que de constater qu’il est presque une friche tombée en déshérence, abandonnée aux romanciers du nihilisme sexuel, aux sociologues d’une nouvelle «confusion amoureuse», ou à une religiosité de pacotille. Nul ne s’essaye vraiment à confronter les différents regards philosophiques sur l’amour, au point que l’on viendrait presque à trouver davantage de profondeur sur le sujet dans les chansons populaires que chez les penseurs contemporains.
Cette stupéfaction-là, Arthur Schopenhauer l’exprimait déjà avec force dans Le Monde comme volonté et comme représentation, paru en 1818. «On devrait plutôt se montrer surpris de ce qu’un objet qui joue un rôle si remarquable dans la vie humaine n’ait pour ainsi dire jamais été jusqu’ici pris en considération par les philosophes, et se présente à nous comme une matière que nul n’a encore traitée.» C’est exagérer, bien sûr. Se moquer, même, quand l’irascible philosophe prussien en vient à réduire la réflexion platonicienne à une affaire d’amour homosexuel grec. Mais c’est aussi pointer un vrai mystère.
Le paradoxe, en effet, c’est que la philosophie, née en Grèce avec la question de l’amour, telle la Vénus surgissant nue du coquillage botticellien, semble avoir renié cette provenance. Son initiateur, Socrate, affirmait ainsi dans le Banquet de Platon ne rien savoir sauf sur «les sujets qui relèvent d’Eros». Une déclaration prometteuse qui ne sera guère suivie d’effets. Il faudra ainsi attendre Kierkegaard pour que l’amour soit à nouveau envisagé en mode de compréhension de l’existence.Extrait de l’introduction
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